Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ce que je fais ici, des Français le font en Prusse. Vous n’êtes pas assez initiée aux choses diplomatiques, pour juger quoi que ce soit. N’est-il pas plus simple, plus rationnel de vous fier à moi ; d’avoir en votre mari la belle et sainte confiance d’antan ? Vous voulez savoir ? Quel but avez-vous ? m’empêcher d’agir, détruire ce que, à grand’peine, j’amasse ; mais d’autres le feront à ma place, voilà tout. Et pour ne rien sauver, vous aurez lancé sur moi, sur vous, sur nos fils, toutes les colères du royaume. »

Elle ne trouvait rien à répondre ; elle eût voulu prendre à deux mains sa pensée, la jeter hors d’elle-même, pour ne plus réfléchir.

Elle souffrait si visiblement, qu’il eut pitié et la reconduisit dans sa chambre.

« Dormez, demain vous serez mieux. Si le séjour ici vous pèse, retournez à Rantzein.

— Avec Edvig !

— Voulez-vous faire un voyage vers le midi de la France ?

— Non, non, Hans, je ne vous quitterai pas. Pardonnez-moi si j’ai été indiscrète, mais je vous le jure, non mal intentionnée. Bonsoir, à demain. »

Elle était brisée. Cette terrible secousse avait ébranlé ses nerfs. Un peu de délire gagnait son cerveau, elle ne savait plus où était le salut. Il lui semblait être une épave sur la mer houleuse où pas un phare n’apparaissait.