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Hans haussa les épaules.

« Bah ! on ne s’est jamais tant amusé à Paris. La cour est à Saint-Cloud. On joue la comédie. L’impératrice a des costumes merveilleux. Votre empereur, à dire vrai, a triste mine, il a des yeux ternes, qui semblent regarder dans l’infini des choses terribles.

— Il s’effraye de son impopularité. La Lanterne du marquis de Rochefort l’attaque avec autant de malice que d’esprit, et puis je crois les finances françaises très obérées.

— Le fait est que tout le monde n’a pas le don de l’économie comme les Allemands, remarqua Michelle, je me souviens des fêtes du général de Moltke, où il paraissait avec un habit parfumé de benzine, offrait des petits fours de quatrième qualité et de temps à autre, en cachette, soufflait une bougie dans les coins.

— Je connais, dit Hans, une anecdote qui peint l’homme encore mieux : Un jour, je venais de travailler longuement avec lui sur l’emplacement d’un fort, il faisait une chaleur torride et nous n’en pouvions plus. Nous descendons de cheval devant une auberge. Il demanda deux bocks. L’aubergiste avait de la bière à cinq pfenigs et à dix, de qualité supérieure. Voyant deux officiers, il offre la meilleure, nous buvons. C’était frais et bon. Puis nous remontons à cheval.

« Tenez, dit le maréchal, Voici vingt pfenigs[1]. » Et il tend la main en attendant sa monnaie.

L’aubergiste, sans voir le mouvement de son client, était entré dans sa maison. De Moltke ne dit rien ; mais nous revînmes le lendemain, ayant à terminer notre trace.

  1. Monnaie allemande