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Là-haut, de cette butte de Montmartre, où son regard n’avait d’autre obstacle que les brumes mourantes de l’horizon, au-dessus de cette ville houleuse, il voyait l’avenir : le peuple agenouillé devant la Croix resplendissante, l’apothéose de la foi dans l’univers. Ce mont des martyrs, où des chrétiens avaient versé leur sang, devenait la terre fertilisée du christianisme. Tous les mondes accouraient au-devant du flambeau allumé sur Paris, la capitale des grandes œuvres, la cité du crime, mais aussi la cité de l’exploitation.

Le soir de cette promenade, les Rosaroff devaient dîner chez les Hartfeld ; Michelle avait prié le bon abbé Rozel et son neveu Georges. Mme Carlet aussi devait venir.

Ce n’était qu’un repas de famille ; mais on causerait, et il semblait à la jeune femme, que ces soirées de paix étaient la veille d’un tumulte, comme la fin d’acte d’une grande pièce. Elle avait la sensation des choses qui vont finir, et là, dans son salon calme, dont les tentures assourdissaient le bruit de la rue, entre tous ceux qu’elle aimait, elle remerciait mentalement le ciel de cette étape, qu’elle sentait proche du départ.

Mme Carlet, toujours puérile, enfantine, s’amusait du luxe de sa fille, en faisait sa joie, se trouvait dans l’élément rêvé, sa folie se trouvait dans son cadre ; Michelle la comblait de cadeaux et la laissait dire, dépenser,