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mière station de notre Bretagne, bien sûr, je descends pour embrasser notre sol. »

L’émotion de son compatriote gagnait Michelle.

Vers le soir, ils aperçurent les premiers champs de tabac, les pommiers couverts de fruits encore verts, des noms connus de stations frappèrent leurs oreilles : Dol, Cancale, Saint-Malo !

Minihic bondit ; son père était là.

Ce fut une étreinte, puis comme le vieux Lahoul ouvrait encore les bras, Michelle se laissa embrasser par le brave marin.

« Grand’mère ? interrogea anxieuse la jeune femme.

— Elle vous attend, Madame ; la force de son désir la soutient, elle veut vous revoir ; j’ai une voiture ; partons. »

Minihic saisit les valises. Les yeux pleins de larmes de joie, il se remuait comme électrisé : sa famille, sa Bretagne, son village, il les revoyait enfin ! Et Michelle, malgré la douleur de ce retour, qui noyait toute émotion heureuse dans son déchirement, éprouvait une sensation émue de rapatriement, une chaleur au cœur au revoir de tant de choses connues, aimées.

Le bateau stoppait à la cale de Dinan. Ils embarquèrent de suite. Minihic voulut manœuvrer la voile, son père au gouvernail, la jeune femme à l’arrière, et tous trois ne parlèrent plus, ballottés doucement, religieusement recueillis.

Ils abordèrent à la Roche-aux-Mouettes ; Lahoul jeta le grappin entre deux pierres, et Michelle, leste comme jadis, sauta, escaladant la falaise en une hâte fiévreuse.

La poterne était grande ouverte, la cour plus encombrée que jamais d’herbes et de ronces folles, les volets pendant arrachés par