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Michelle, au départ de Fribourg, avait loué son compartiment et placé près d’elle Minihic avec les menus bagages.

Malgrê ses efforts, elle ne parvint pas à dormir. Le front contre la vitre, elle suivait d’un regard vague la course des arbres, des villages piqués de lumières, de clairs rayons de lune lui montraient parfois la ronde enragée des grands lierres allemands ; puis ce furent des arrêts, des changements de train, enfin la douane.

Le gendarme français se montrait sous l’auvent de la gare. Michelle eut un sursaut, un battement de cœur, tandis que Minihic, plus démonstratif, s’élançait sur la voie, serrait la main du gendarme stupéfait, criait : « Vive la France ! » et se prêtait avec une rare bonne volonté aux exigences de la douane française, parlant pour parler, pour entendre surtout la musique des mots français. Toute la journée encore se passa sur la ligne de l’Est. Minihic avait apporté à sa maîtresse une provision de journaux français et elle se distrayait un peu par leur lecture.

Le petit Breton oubliait tout à fait maintenant les règles de son service ; il causait, repris de son ancienne liberté de camarade :

« Ah ! Madame, faut me pardonner, si je ris. Voyez-vous, c’est plus fort que moi. Me retrouver sur notre terre à nous, revoir les miens, me retrouver dans la mer !… À la pre-