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« Ô Vierge, reprit-il, ne prends ni son bonheur ni sa vie. »

Michelle sourit et le maintenant toujours dans l’attitude de la prière :

« Vierge Marie, donnez-lui la joie de vous aimer et de vous prier. » Tout bas elle continua l’ardente prière, Hans ne songeait pas à la troubler, ému de l’attitude de sa femme ; convaincu depuis longtemps, il fléchissait, la grâce du ciel pénétrait en lui et ses lèvres remuèrent aussi. Il parla comme l’enfant à sa mère :

« Sainte Vierge, disait-il, je n’ai pas la force de lutter chez moi, mais je vous vénère dans mon cœur. Soyez près de moi à l’heure suprême de la mort. »

Michelle avait triomphé ; les larmes aux yeux, elle chantait mentalement un hymne de reconnaissance.

Et ils revinrent à pas lents, à travers ce bois où montait la sève printanière, où voletaient les oiseaux autour des nids, où les lapins peureux fuyaient dans les buissons. Le silence de leurs lèvres était profond, mais une même pensée liait leur cœur ; jamais, comme à cette heure, ils n’avaient éprouvé l’union divine de deux âmes.


IV


Souvent, ils revinrent à l’oratoire d’Eberstein, ils y amenèrent les enfants. Michelle leur fit joindre leurs petites mains devant la Vierge. Elle mit des fleurs fraîches dans la grotte, et Minihic, qui portait Heinrich, fut initié au secret, admis à faire, lui aussi, sa prière.

Ils se plaisaient extrêmement en ce lieu sauvage d’où ils voyaient sur une hauteur la chapelle de Klingel[1], dont la cloche sonne d’elle-même quand la mort passe dans le

  1. Klingel (cloche).