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que j’attends pouvait naître dans ma patrie, s’il pouvait, des l’instant de sa venue en ce monde, appartenir à notre culte ! »

Les deux cousines furent séparées. Dans cette foule, où les brillants uniformes se croisaient avec les resplendissantes toilettes, une longue causerie était difficile. Michelle dut prendre le bras de son mari qui voulait la présenter à plusieurs personnes. Aussitôt seuls, elle se hâta de demander à Hans s’il pensait avoir une mission pour Paris ; mais il la regarda surpris, sans répondre.

La jeune femme n’osa insister ; sans doute, il s’agissait d’un secret d’État. Le comte était souvent appelé au palais royal et jamais, à la maison, il ne rendait aucun compte — du moins devant sa femme — de ces audiences diplomatiques.

Ah ! quel rêve c’eût été pour la petite Mouette de revoir sa Bretagne, d’embrasser encore sa pauvre vieille grand’mère, dont les nouvelles étaient si rares, car la marquise écrivait difficilement avec ses yeux affaiblis, et Rosalie n’écrivait pas du tout. C’était encore par Minihic que Michelle avait le plus de nouvelles.

Le groom se glissait vers sa maîtresse quand elle se promenait dans le parc, et parvenait à lui parler longuement, familièrement comme jadis. Il était bien dévoué, bien fidèle, le brave petit Breton. Il comprenait que la situation de sa compatriote était infiniment moins heureuse que la sienne, moins libre et moins gaie : lui, sa besogne faite, et elle était peu considérable, s’en allait où il voulait, voir le pays, jouer avec les autres garçons. Il écrivait à sa famille, en recevait de longues lettres et les donnait toutes à sa maîtresse, qui ne parvenait pas à les lire sans larmes que beaucoup de sentiments