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sini. C’était la Malibran qui jouait le rôle de Desdemona ; Rubini, celui d’Otello ; Lablache, celui du père. L’attente de ce plaisir me rendit fou d’impatience et de joie. Je me souviens que j’en avais perdu l’appétit, si bien qu’à dîner ma mère me dit :

— Si tu ne manges pas, tu m’entends, tu n’iras pas aux Italiens !

Immédiatement je me mis à manger avec résignation. Le dîner avait eu lieu de très bonne heure, attendu que nous n’avions pas de billets pris à l’avance (ce qui eût coûté plus cher) et que nous étions obligés de faire queue pour tâcher d’attraper au bureau deux places au parterre, de 3 francs 75 centimes chacune, ce qui était déjà pour ma pauvre chère mère une grosse dépense. Il faisait un froid de loup ; pendant près de deux heures, mon frère et moi nous attendîmes, les pieds gelés, le