des pianos s’échouent comme des barques usées
sur des amas de planches qui cachent des cadavres
ne peuvent pas s’encercueiller
avec trois trous de tarrière
pour les yeux
et le nombril
endroits par où l’on tue
les hommes fatigués jusqu’à la mort
et les hommes sont des coffres vides
que longuement l’on traîne
sur du béton usé
dans un bruit de ferraille
et de freins qui enterrent
la faim des enfants et des vieilles
ces bruits toujours de portes rouillées
et qui verrouillent des cercueils
fermés amours perdues
des mères adultères
des pères délaissés
des enfants refusés
des femmes parfois aimées
* * *
un piano tombe d’une planète
dans la carrière aux pierres cassées
et les canards dansent sur des crânes
de chevaux et de cavaliers
tombés dans ce champ chaud de l’honneur
de plume
de cap et de verglas
et les pianos-noël
sonnent le glas
de trois siècles abîmés
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