RÉFLEXIONS SUR LES HOMMES NÈGRES.
L’Espèce d’hommes Nègres m’a toujours intéreſſée à ſon déplorable ſort. À peine mes connoiſſances commençoient à ſe développer, & dans un âge où les enfans ne penſent pas, que l’aſpect d’une Négreſſe que je vis pour la première fois, me porta à réfléchir, & à faire des queſtions ſur ſa couleur.
Ceux que je pus interroger alors, ne ſatisfirent point ma curioſité & mon raiſonnement. Ils traitoient ces gens-là de brutes, d’êtres que le Ciel avoit maudit ; mais, en avançant en âge, je vis clairement que c’étoit la force & le préjugé qui les avoient condamnés à cet horrible eſclavage, que la Nature n’y avoit aucune part, & que l’injuſte & puiſſant intérêt des Blancs avoit tout fait.
Pénétrée depuis long-tems de cette vérité & de leur affreuſe ſituation, je traitai leur Hiſtoire dans le premier ſujet dramatique qui ſortit de mon imagination. Pluſieurs hommes ſe ſont occupés de leur ſort ; ils ont travaillé à l’adoucir ; mais aucun n’a ſongé à les préſenter ſur la Scène avec le coſtume & la couleur, tel que je l’avois eſſayé, ſi la Comédie Françoiſe ne s’y étoit point opposée.
Mirza avoit converſé ſon langage naturel, &