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reux, pour mon amie, je fuis seule victime des pièges qu’elle vous a tendus. J’ai le cœur sensible l’ame délicate : je n’ai pu voir avec indifférence plaisanter un jeune homme de si bonne foi. L’humanité fut d’abord le premier sentiment que vous sûtes m’inspirer. Mon amie me choisit pour son secrétaire, je devins sa confidente ; j’étois la maîtresse de vous écrire comme je le jugeois à propos. Mon penchant me dicta tout ce que vous avez trouvé de sensible dans ses lettres. Mon amie s’en amusoit beaucoup je lisois dans son ame mais jamais elle n’a pénétré dans la mienne. Tout ce qui n’étoit que l’épanchement de mes sentimens les plus purs, a parfaitement répondu aux écarts de sa tête. Elle ne fut jamais sensible ; elle croit que toutes les femmes doivent penser comme elle : que ne puis-je, hélas ! l’imiter. Je sens que je m’expose au mépris, à l’opprobre ; j’ai honte de moi-même ; je trahis l’amitié je devois respecter le plaisir qu’elle avoit de faire votre tourment. Vous le préféreriez peut être, à apprendre que l’Inconnue du Bal vous a trompé qu’elle étoit de mauvaise foi & que sa confidente a senti seule tout ce que vous méritez. En gardant le plus profond silence, elle vous vengeoit en secret des perfidies de son amie. Je vous connois mieux qu’elle ; nous nous