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secrets sentimens, & j’appris qu’un monstre, un vil agent, avoit subjugué sa raison. Je voulus l’éloigner de ce fourbe dangereux mais, moi-même bientôt je lui parus suspecte. Il sembla même se repentir de toutes les confidences qu’il m’avoit faites. Cependant comme l’amitié & la nature triomphoient encore de lui, il me faisait toujours part de ses aventures qu’il croyoit du bon ton, telles que celle du Bal de l’Opéra qui faillit à lui faire tourner la tête.

Une de ses cousines, femme d’esprit, & qui desiroit son bonheur autant que moi, chercha à l’intriguer sous le masque, & le rendit amoureux au point de le faire renoncer à une petite créature dont il étoit fou & dont je rougirois de mettre au jour les trames ourdies d’accord avec le perfide Fontaine. Le carnaval finit, & le courage de sa cousine n’alla pas plus loin. Elle lui avoit permis de lui écrire ; je fus instruite de tout, je me chargeai de cette correspondance, & vous allez voir, par la manière dont je la conduisis si je sçus la suivre, & quel parti mon amitié en tira pour le bonheur de mon frère.

Je suis, &c.