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qui régnait depuis long-tems entre ces deux familles : ma mère devint donc chère à tous les Flaucourt. Le Marquis, son Parrein, ne la vit pas avec indifférence. l’âge & le goût formèrent entre eux une douce simpathie dont les progrès furent dangereux. Le Marquis, emporté par l’amour le plus violent, avoit projeté d’enlever ma mère & de s’unir avec elle dans un climat étranger. Les parens du Marquis & de ma mère, s’étant apperçus de cette passion réciproque, trouvèrent bientôt le moyen de les éloigner ; mais l’amour ne fait-il pas vaincre tous les obstacles ? Le tems ni l’éloignement ne purent faire changer leurs sentimens. Ma mère cependant fut mariée. Le Marquis fut envoyé à Paris, où il débuta dans la carrière dramatique par une Tragédie qui rendra son nom immortel, ainsi que ses Odes, ses voyages & plusieurs autres ouvrages non moins recommandables. C’est dans sa grande jeunesse qu’il développa tant de talens ; mais le fanatisme vint l’arrêter au milieu de sa carrière, & fit éclipser la moitié de sa gloire. Son célèbre Antagoniste, jaloux de ses talens, essaya de les obscurcir par la voie du ridicule ; mais il ne put y parvenir & il fut lui-même forcé de lui accorder un mérite distingué. En effet, il n’eut peut-être qu’un tort réel dans sa vie l celui d’avoir été insensible