Page:Gouges - Oeuvres de madame de Gouges - 1786.pdf/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’abri de tout soupcon, que je pourrai, avec courage, raconter au genre humain les événemens qui ont travaillé le tissu de ma vie. Des aveux sincères & dépouillés d’imposture, m’obtiendront, sans doute, une estime qu’on refusera peut-être à mes foibles écrits. Si on n’a pas encore vu une ignorante devenir Auteur, une femme vraie & sincère est un être aussi rare, & c’est par une telle singularité que, comme vous, Madame, je puis me distinguer. Il y a tant d’analogie entre vous & moi, que je ne doute pas qu’on ne nous confonde ensemble. Un jour viendra où cette énigme sera expliquée par vous, ou par moi. Je sors d’une famille riche & estimable, dont les évènemens ont changé la fortunè. Ma mère étoit fille d’un Avocat, très-lié avec le grand père du Marquis de Flaucourt, à qui le Ciel avoit accordé plusieurs enfans. L’éducation du Marquis, l’aîné de ces enfans, fut confié à mon grand-père qui s’en chargea par pure amitié. Le cadet, qui existe encore & que son mérite a élevé jusqu’à l’Archi-Episcopat, fut alaité par ma grand-mère : il devint par-là le frère de lait de celle qui m’a donné’ le jour & qui fut tenue sur les Fonds Baptismaux par le Marquis son frère aîné. Tout ceci se fit de part & d’autre au nom de l’amitié