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moi, depuis que la dévotion s’etoït emparée de lui, je ne le respectois pas moins. Il me chérissoit dans mon enfance. Je n’oublierai jamais ses tendres carresses : & toutes les fois qu’un souvenir cher le rappelle à mon esprit, je verse des larmes, j’en verse sur sa perte, & ces larmes sont sincères ; ce sont celles de la Nature, pourroit-on les condamner ? J’ai toujours respecté la piété ; & de crainte de l’alarmer je facrifiois mes intérêts à son bonheur. Quelques personnes de la Cour, célèbres par leur nom ainsi que par leur esprit, voulurent me persuader que la conduite de M. le Marquis de Flaucourt à mon égard, étoit tout-à-fait répréhensible, & qu’il falloit charger son Antagoniste de son châtiment ; on voulut même me recommander auprès de lui, & me procurer les moyens pour faire le voyage. Ma réponse est connue, & la voici en peu de mots. Je suis venue sous la foi du mariage : si le Marquis de Flaucourt est mon père, je ne dois pas obtenir une éxistence & ses bienfaits par la voie de son ennemi ; s’il n’est pas mon père, je n’ai aucun droit sur lui. Quoique tout atteste que je sois sa fille, je préférerai d’en douter, plutôt que de l’affliger un instant. Ces mêmes personnes qui me sollicitoient, frappées d’indignation de sa conduite à mon égard ne purent