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POST-FACE.



C’est à vous, redoutable Public ; mais cependant indulgent & juste en général, que je soumets en tremblant mes ouvrages & mes réflexions. J’ai pu badiner sur mon sort dans mes préfaces & dans mon dialogue ; semblable au jeune impétueux qui s’arrache des bras de sa famille pour voler au combat, enflammé par la gloire, il ne voit nul péril, nul danger ; le champ de Mars lui ouvre une vaste carrière ; il la parcourt avec rapidité ; il arrive enfin au milieu des bataillons : mais à peine ses yeux ont-ils fixé les deux formidables armées, qu’alors l’étonnement s’empare de lui ; plus réfléchi & plus calme il commence à reconnoître sa médiocrité & toute son insuffisance. Quoi, se dit-il, ce laurier dispersé sur un million de têtes, peut-il me faire paroître dans le monde avec un front triomphant ? Et ces grands hommes dont à peine un demi siècle de travaux & de peines a ceint la tête des palmes de la victoire, lui font regretter la vie paisible de ses tranquilles foyers ; telle j’éprouve en ce moment les remords de mon entreprise,