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L’ESCLAVAGE DES NOIRS,

tages qu’ils ont ſur nous ſont immenſes. L’art les a mis au-deſſus de la Nature : l’inſtruction en a fait des Dieux, & nous ne ſommes que des hommes. Ils ſe ſervent de nous dans ces climats comme ils ſe ſervent des animaux dans les leurs. Ils ſont venus dans ces contrées, ſe ſont emparés des terres, des fortunes des Naturels des Iſles, & ces fiers raviſſeurs des propriétés d’un peuple doux et paiſible dans ſes foyers, firent couler tout le ſang de ſes nobles victimes, ſe partagèrent entr’eux les dépouilles ſanglantes, & nous ont faits eſclaves pour récompenſe des richeſſes qu’ils ont ravies, & que nous leur conſervons. Ce ſont ces propres champs qu’ils moiſſonnent, ſemés de cadavres d’Habitans, & ces moiſſons ſont actuellement arroſées de nos ſueurs & de nos larmes. La plupart de ces maîtres barbares nous traitent avec une cruauté qui fait frémir la Nature. Notre eſpèce trop malheureuſe s’eſt habituée à ces châtimens. Ils ſe gardent bien de nous inſtruire. Si nos yeux venoient à s’ouvrir, nous aurions horreur de l’état où ils nous ont réduits, & nous pourrions ſecouer un joug auſſi cruel que honteux ; mais eſt-il en notre pouvoir de changer notre ſort ? L’homme avili par l’eſclavage a perdu toute ſon énergie & les plus abrutis d’entre nous