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demanderois pas mieux que de rencontrer cet homme qui ne dédaigneroit pas de s’aſſocier à mon travail ; mais cet homme, dis-je, il le faudroit de bonne foi ; il faudroit qu’il ne cherchât point à uſurper mes ſujets, & que ſatisfait de partager la gloire & le profit, il prît ſeulement la peine d’en épurer le ſtyle. Je crois, ſans m’abuſer ſur mon compte, que le plus grand reproche que l’on peut me faire, eſt de ne ſavoir pas l’art d’écrire avec élégance qu’on exige aujourd’hui. Elevée dans un pays où l’on parle fort mal ſa langue, & ne l’ayant jamais appriſe par principes, il eſt étonnant que ma diction ne ſoit pas encore plus défectueuſe. Si je croyois cependant qu’en adoptant la maniere des autres, je puſſe gâter le naturel qui m’inſpire des ſujets neufs, je renoncerois à ce qui pourroit m’être le plus indiſpenſable. Peut-être me pardonnera-t-on, en faveur de la nouveauté, ces fautes de ſtyle, ces phraſes plus ſenſibles qu’élégantes, & enfin tout ce qui reſpire la vérité.

On m’a reproché trop de précipitation dans ma piece de Chérubin. Je repréſenterai modeſtement que tous ceux qui commencent ſont toujours preſſés & emportés par une ardeur qui ne peut ſe dompter qu’à force de travail. Je commence moi-même à éprouver ce ralentiſſement d’une imagination jadis trop prompte, & à de-