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quelque cruelle que ſoit ſa ſituation, il la ſupportera avec courage, plutôt que de conſentir à cet horrible complot ; mais je ſuis honteuſe de vous avoir écouté ſi long-tems, & je rougirai toute ma vie de vous avoir connu. » Ne pouvant contenir davantage l’indignation où m’avoit jetté un ſemblable diſcours, je m’élance pour ſortir ; il m’arrête avec violence.

Le vieux Montalais.

Juſte Ciel !

Le jeune Montalais.

Quelle horreur !

Marianne, continuant.

Il me pourſuit avec fureur. « Eh bien, dit-il, puiſque vous êtes aſſez ingrate pour dédaigner le bien que je vous offre, j’aurai le plaiſir de me venger de vous, de votre pere & de votre frere ; d’aujourd’hui même je le ferai chaſſer de chez le Comte ; d’aujourd’hui même je vais traîner votre pere dans une horrible priſon, &, dès ce moment, vous céderez à mes deſirs. « je ne ſais ſi l’horreur de ce diſcours m’a inſpiré du courage ; mais ce perfide voulant venir à moi, je l’ai repouſſé avec tant de violence, qu’il eſt retombé embarraſſé dans des Fauteuils : je gagne auſſi-tôt la porte en criant au meurtre, à l’aſſaſſin. Le ſcélérat n’oſe me ſuivre. Un homme ſe préſente à moi l’épée nue à la main. Grand Dieu, quel homme ! Je reconnois ce mortel généreux, dont j’ignore le nom : mais il doit être vertueux, puiſqu’il eſt de la connoiſſance de Madame de Valmont. Enfin, que vous dirai-je ? Sans lui, peut-être, ce monſtre ſe ſeroit porté aux derniers excès.