Page:Gouges-comediens-demasques.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je dévorois en silence ces outrages cruels, Que venois-je faire dans cette galère, me disois-je, en étouffant des larmes prêtes à se répandre. Enfin, mon ange tutélaire, le sieur Molé, déroula le fatal manuscrit que l’assemblée accueillit d’une bouffée ironique. Cependant on obtient silence : Molé lit, les cœurs se dilatent, l’intérêt les pénètre, les mouchoirs se tirent, les larmes de l’assemblée sèchent les miennes, et d’une voix unanime mon drame est reçu : on m’indique seulement quelques corrections que je me hâte de faire.

On me félicite : le sieur Molé m’accable, surtout, des complimens les plus flatteurs. Je ne vois plus en lui qu’un protecteur chaud et ardent. On m’apprend chez lui, avec un air de mystère, qu’il s’occupe à m’avoir un tour, qu’il est même disposé à l’acheter. J’avois ignoré que les tours se payassent. Quel homme précieux pour moi que le sieur Molé ! et par quelle reconnoissance m’acquitterai-je envers lui ?

« Molé, lui dit un jour en ma présence la divine madame Raymond, tu me donnois tous les ans un oranger ; en voilà deux que tu me dois ». Je saisis ce trait de lumière ; je vole chez le plus fameux jardinier fleuriste ; j’y cherche les deux plus beaux orangers, et ils