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étoit difficile de mettre Scarron sur la scène, parce qu’il réveille l’idée d’un burlesque justement proscrit dans notre siècle. Madame de Gouges a su faire parler Scarron en lui conservant son caractère, mais en ennoblissant son esprit : ainsi, un peintre habile ne copie pas dans une tête bizarre tout ce qui l’est en effet, mais assez, seulement, pour la faire reconnoître.

Madame Scarron, depuis si célébre, méritoit bien qu’on joignât son attitude et son maintien, pour laisser entrevoir quelque chose de ce caractère, qui a jeté un si grand éclat.

Une situation touchante, c’est le moment où le grand Condé, jetant son chapeau, enlève, par humanité Scarron qui ne pouvoit plus marcher, pour le mettre dans une chaise à porteur ; et quand Scarron, humilié, lui dit : mon Prince, que faites-vous ? Le grand Condé répond : c’est pour essayer si j’ai perdu mes forces. Cette réponse tout-à-la-fois, simple, bonne et naturelle. Il y a une grande variété de couleurs dans cet ouvrage. Nous aurions voulu en supprimer le moment où un exempt vient signifier à Ninon, de par le roi, l’ordre de se rendre aux filles repenties ; mais l’auteur a voulu conserver les caractères, et la réclamation du grand Condé, qui trouve cet ordre déplacé et injuste, et se rend le protecteur de Ninon auprès du roi, relève infiniment cette scène, et prête à cet orage passager un intérêt nouveau.