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Deux ans s’écoulent encore ; mon tour ne vient point. Je me résous à faire imprimer ma pièce : mais pour ne point heurter les hautes prétentions de la comédie, je lui demande son consentement.

Messieurs,

« Les femmes qui ont eu avant moi le courage de se faire jouer sur votre théâtre, m’offrent un exemple effrayant des dangers que court mon sexe dans la carrière dramatique. On excuse volontiers les chûtes fréquentes qu’y font les hommes ; mais on ne veut pas même qu’une femme s’expose à y échouer. Voici le parti que je voudrois prendre ; j’espère que vous ne le désapprouverez pas. Avant de faire jouer ma pièce que vous avez bien voulu recevoir, et de vous exposer à voir son peu de succès, je voudrois pressentir le goût du public en la faisant

    brouiller avec la comédie. Songez-vous que c’est le premier théâtre de l’Europe ; que votre premier début y a été admis ; que la plupart de nos meilleurs auteurs n’ont pas commencé comme vous ? » L’illusion eut son effet : je le laissai le maître d’arranger cette affaire, et j’eus la foiblesse de signer une lettre où je témoignois le désir de rentrer dans tous mes droits ; ce qui fut promptement accordé, et ma pièce reprit son rang.