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lettre anonyme m’ouvrit les yeux sur la gravité du danger : je me rends auprès du magistrat qui me rassure[1] ; mais ce n’étoit point assez. Poussée à bout, je voulois une satisfaction ; je la réclame. L’énergie de mes plaintes épouvante mes persécuteurs. L’astucieux Molé se charge de m’appaiser. Il connoissoit ma tendresse pour L’Esclavage des Nègres : l’espoir d’un tour m’avoit leurré si délicieusement ; cet appas séduisant doit tout raccommoder. En effet, le Sycophante me le présente : je savoure l’espoir d’une première et prochaine représentation. La comédie m’écrit une lettre, obligeante en apparence : on me restitue mes entrées et tous mes droits. Tout est oublié, au moins de ma part[2].

  1. Une critique assez plaisante, qui parut alors dans les mémoires secrets, m’apprit toutes les sourdes menées du gentilhomme de la chambre et des comédiens auprès du ministre. Je m’en plaignis à M. de Crosne. Il me répondit : « Madame, il faut oublier cette offense, les prétentions de vos adversaires étoient aussi injustes que ridicules ; et j’ai fais mon devoir en ne m’y arrêtant pas. » Si quelque âme honnête doutoit que les comédiens eussent eu l’impertinente audace de manœuvrer pour me faire embastiller, j’offre en témoignage MM. Cochy et Puissant, chefs de bureau à la police, trop véridiques pour nier un fait à la gloire du magistrat leur supérieur.
  2. « Qu’allez-vous faire, me disoit Molé ? vous