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Ceux qui n’ont eu sous les yeux que la musique gravée de Rollinat, ceux qui n’ont pas entendu cet artiste original, bizarre et tourmenté, gémir d’une voix profonde les deux quatrains, lancer violemment le premier tercet, et terminer par un cri terrible d’angoisse effroyable le second, ne peuvent pas se rendre compte de l’effet produit par ce chant, la première fois qu’on l’entendait.

Le répertoire de Rollinat y passa presque en entier, puis les vers de son volume les Brandes, qu’il préparait alors chez Sandoz et Fischbascher. Vers sept heures du matin, le poète me lisait le scénario d’un drame extraordinaire qu’il devait terminer en collaboration avec le doux Pierre Elzéar : association étrange, qui, du reste, n’a pas abouti. Pouvait-il en être autrement ? Le lecteur en jugera par le scénario lui-même, qui est resté suffisamment gravé dans ma mémoire effrayée.

Au lever du rideau, on apercevait une place publique, vers l’aube, une foule grouillante, et dans le fond une guillotine. Le patient basculait, le couteau tombait ; un « ah ! » d’épouvante courait sur la cohue, qui, selon l’usage, se retirait péniblement impressionnée, tandis qu’un