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Tas de traîne-cul-les houseltes.
Race d’indépendants fougueux !
Je suis du pays dont vous êtes :
Le poète est le Roi des Gueux.

Laissant le clan bourgeois pour la pure bohème, le poète Jean Richepin se sacrait Roi des Truands. Il s’agrafait alors, comme marque distinctive de cette dignité étrange, un bracelet porte-bonheur au poignet gauche ; pour couronne il se coiffait d’un chapeau de forme spéciale. Ce fut même, entre le pauvre et grand caricaturiste André Gill et Jean Richepin, une lutte épique, une pacifique querelle à qui dénicherait, chez les divers chapeliers de Paris, le plus bizarre couvre-chef. Tantôt Gill avait l’avantage ; mais souvent Richepin l’emportait. L’illustre Sapeck jugeait en dernier ressort, et offrait la palme au vainqueur.

Ce n’était donc point un funèbre poète que Jean Richepin. La philosophie de ses gueux brutalistes n’apparaît pas toujours aussi féroce que celle des petiots armés du briquet. Non. Ils sont plutôt railleurs, donnant l’exemple de la belle humeur : ainsi celui qui chante, en regardant travailler les paysans qui s’échinent.