Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce fut une invasion de ces deux arts : la poésie et la musique, dans le sanctuaire de la peinture, dans Montmartre, le pays des arts plastiques. Il y eut, devant le feu allumé dans la petite salle du fond, fusion entre les diverses branches du Beau. Aussi mérita-t-elle bientôt le surnom d’Institut, surnom ironique et gai qui lui resta. L’arrivée des poètes et des musiciens amena l’introduction d’un piano, et peu à peu ce que l’on appela les séances du vendredi. Ce jour-là, vers quatre heures, quand une foule houleuse avait garni les bancs et s’était accoudée sur les tables chargées de verres, on voyait, descendant avec gravité les trois marches de l’Institut, comme si c’eût été les gradins de l’Acropole, ou tout au moins les trois fameuses pierres de Tortoni, on voyait les bons diseurs de sonnets et de ballades, cependant que, par une marche triomphale, quelque symphoniste héroïque accueillait leur venue.

La voix de Salis montait dans la buée des pipes :

— Messeigneurs, du silence, le célèbre poète X… va nous faire entendre un de ces poèmes pour lesquels les couronnes ont été tressées par