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N’enfermez jamais cinquante hydropathes dans un théâtre de banlieue, ou du moins ne leur laissez pas manquer le dernier train.

De cette époque déjà si lointaine, j’ai souvenance d’une soirée singulière, où, revenant cravaté de blanc et en habit du salon d’une duchesse — oui, une duchesse, authentique — j’eus l’idée bizarre d’aller dire des vers dans une goguette de la rue Galande, où la dureté des temps avait transformé Maurice Petit ex-organiste aux Invalides en modeste accompagnateur de flonflons. Je faillis d’abord être assommé, puis je devins subitement l’ami de ces gens-là, après avoir chanté en leur compagnie, et bu à leur santé. Antithèse.

Ce fut un moment d’existence bien singulier, trouble, joyeux et sombre. Étant tombé réellement malade, je dus partir à la campagne, vers Fontainebleau, où l’excellent ami Paul Marrot dirigeait je ne sais quelle feuille politique. Là, j’écrasai les microbes, et pus me soustraire à la misère physiologique. Quant à l’anémie budgétaire…

Je montais mélancoliquement un soir la pente de la rue des Martyrs, me rendant au cabaret de la Grand’Pinte où j’espérais me rasséréner