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aussi leur très large part, et Alfred de Vigny, écorchés quelquefois par les acteurs imberbes, mais toujours applaudis par les spectateurs hydropathes, qui frais émoulu de leurs lycées complétaient de la sorte leur éducation poétique.

Le côté fumiste et tintamarresque était représenté par Charles Leroy, qui, là, débitait par tranches son Colonel Ramollot ; par Jules Jouy qui, de sa voix de phonographe, détaillait ses chansons folles, et préludait à ces futurs succès du Chat Noir.

Tout cela, et bien d’autres choses encore, s’entremêlait en un programme surchargé.

Parfois, le président cédait sa sonnette à Puy-Puy et redevenant Émile Goudeau, l’auteur des Fleurs du Bitume, récitait les Romaines, ou les Grecs, ou les Polonais, les jours où il se sentait en belle humeur parisienne ; parfois, attristé par les mauvais coups que le destin épargne peu aux bohémiens, il choisissait quelque pièce de la Saison de spleen, la Marche, par exemple :

J’ai mis trop loin, trop haut, le rêve de ma vie,
Vision d’avenir aimée et poursuivie
À travers de longs jours de deuil.