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collaborateur est devenu fou. Moynet était architecte, et, ma foi, menait la vie joyeuse, sans souci, cueillant des aventures inouïes avec tranquillité. Le soir des banquets professionnels, on lui demandait de narrer quelques-unes de ces aventures épiques. Il le faisait de bonne grâce, et l’on se tordait.

Amené aux hydropathes, il fut dénoncé comme un diseur de premier ordre, se défendit, puis, harcelé, céda, et réimprovisa ces choses invraisemblables : Le Canard, le Phoque, la Bergère Watteau, et bien d’autres. Après audition — un rêve ! — l’Hydropathe le pria de libeller sur papier ordinaire ces récits fantasques, il céda encore, et peu à peu fut formée une collection que l’éditeur Jules Lévy, roi des incohérents, et hydropathe aussi, a publié sous ce titre Entre-Garçons. La vocation littéraire de Moynet nuisit à l’architecture, qui a peut-être en lui perdu un Vitruve ; car il avait publié déjà dans la bibliothèque des Merveilles, les Merveilles du Théâtre ; mais nous avons gagné un roman étonnant, d’une profondeur d’observation merveilleusement cruelle sous sa forme gaie, et d’un style serré, précis, vivant. Je saisis l’occasion de dire que Zonzon (c’est le