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municipal où l’on doive s’égorger pour monter à la tribune, il y a de la place pour tout le monde.

Je clos là ces réflexions, et je commence par mon commencement.

J’avais quitté la Gascogne ma mère — ou plutôt, ô calembour ! mon père le Périgord — avec deux cents francs en poche, plus un titre d’employé surnuméraire au ministère des finances, et, dans le fond d’une malle, un drame en vers, une comédie moderne et l’ébauche d’un roman ; très timide de tempérament, très audacieux de volonté, vous voyez le provincial que pouvait être, vers 1874, votre très humble serviteur.

En bon lecteur de la Vie de Bohème, le néophyte parisien s’installa dans le quartier Latin, comme le voulait la tradition ! C’était rue de l’Ancienne-Comédie, un hôtel étroit de façade, haut de mansardes, vieux de partout. Déjà plusieurs camarades du lycée natal avaient élu domicile en cette maison, dont la sénilité suintait par tous ses pores de plâtres, à travers ses ais dès longtemps disjoints et craquelés. Sans doute, ce séjour avait emmagasiné des pluies bi-séculaires, et la moisissure des plus anciens régimes y florissait dès avant 89. Le souvenir de ce perchoir vermoulu est