Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tive, tant que je n’eus pas écrit le mot : Fin.

Mais ce mot fatidique et joyeux, ce mot : Fin, signifiait au contraire : Commencement ; commencement de courses chez les éditeurs, chez les protecteurs possibles, chez les maîtres influents. Fin du poète, commencement du commis voyageur, allant de porte en porte offrir son invendable marchandise. Fin du travail qui porte en lui sa récompense et sa joie, commencement du martyrologe. — Là, l’invincible timidité me reprenait ; j’avais beau dissimuler ce rouleau de papier sous mon manteau, il me semblait que les regards aigus des passants trouaient l’étoffe, déchiraient la couverture et s’égayaient sur les rimes ; il me semblait que, semblables à des guêpes, les vers bourdonnants s’échappaient de ma poche et m’enveloppaient d’un essaim tumultueux qui devait attirer l’attention des petites ouvrières soudeuses et des gavroches narquois. J’allais, la tête baissée sous la honte d’être un poète débutant, pauvre, crotté, ouvrant un vieux parapluie constellé de trous, sous l’averse qui accompagne inévitablement les malchanceux.

Il faudrait sourire, en se présentant aux aimables Parisiens qui sont éditeurs, il faudrait