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petiz[1] hons enprent[2] souventes foiz une grant chose à faire que uns bien granz n’oseroit enprendre[3]. Li uns muert tost, li autres tart. Et li autres vit tant que par aage se part[4][* 1] du siècle, selonc ce que nature li dure par la voulen[5] de Dieu.

Si revoit l’en sovent[6] en genz, que li un[7] entendent a clergie, et li autre[8] entendent a [F° 35 d] autre mestier, ou a charpentier, ou a maçon, ou a fevre, ou a aucun autre mestier ou il met son tans. Car chascuns s’i donne[9] selon son sens. Car, a autre mestier que nature ne[10] li donne ne savroit entendre, dont il se seiïst entremetre si bien comme de celui ou sa nature li trait. Si a ·i· autre d’autre maniere qui se met et[11] adonne[12] à faire pluseurs choses que nus autres ne porroit ne ne savroit faire ; car [F° 36 a] sa nature pas ne li donne[13]. L’un bee en bas et l’autre[14] en haut. Si voit l’on[15] que il avient souvent que li hons avient la ou il bee a avenir, et autre foiz n’en vient[16] a chief. Ainz li tourne[17] tout a contraire et a meschance[18], si qu’a painnes peut[19] venir a chief de chose que il vueille[20] mener a fin. Et uns autres fet[21] maintes choses dont uns autres ne porroit[22] ne ne savroit faire. Car tant a de diversetez en gent[23], et[24] de faiture [F° 36 b] et de voulenté[25], que l’en ne porroit trouver en nulle terre du monde ·ii· hommes qui s’entreressamblassent, tant les seüst l’en querre, qu’il ne se diversifiassent[26] de cors, ou des[27] membres, ou de vis, ou de sens, ou de faiz, ou de diz. Car sa puissance est si diverse qu’il n’est riens qui ait naissance, qu’il n’ait en lui aucune chose dont uns autres n’a riens en soi[28], ja soit ce que nulle dessevrance n’i puisse nus hons aparcevoir.

[F° 36 c] Tele est la vertuz de nature, ou maint bon clerc ont mis leur cure et leur entente[29] a ce que il puissent mieuz dire et plus briément[30][* 2] que est nature[31]. Si en dist tout premierement[32] Platon, qui fu de mout[33] garant renommée, que c’est une outrée poissance en choses, qui fait naistre samblant par samblant selonc ce que chascune peut estre[a]. Si peut[34] l’en entendre[35] ce par ·i· homme[36] c’uns autres engendre, et par bestes, et par

  1. — B : petit.
  2. — B : emprent.
  3. — B : n’oserent emprendre.
  4. — A : se par.
  5. — B : volenté.
  6. — B : souvent.
  7. — B : que les uns.
  8. — B : et les autres.
  9. — B : se donne.
  10. — B : « ne » manque.
  11. — B : « se met et » manque.
  12. — B : donne.
  13. — B : nature ne li donne pas.
  14. — B : l’uns bee en bas et li autres.
  15. — B : voit on.
  16. — B : ne vient.
  17. — B : torne.
  18. — B : mescheance.
  19. — B : painne puet.
  20. — B : qu’il veille.
  21. — B : fait.
  22. — B : porroit riens faire.
  23. — B : genz.
  24. — B : « et » manque.
  25. — B : volenté.
  26. — B : diversefiassent.
  27. — B : de.
  28. — B : lui.
  29. — B : antente.
  30. — A : briesment.
  31. — B : qu’il peüssent mieulz dire que est nature, et plus briément.
  32. — A : prierement.
  33. — B : moult.
  34. — B : puet estre. Si puet...
  35. — B : entedre.
  36. — b : houme.
  1. * Cf. f° 26 c n. Ex. de « par » : par (Ipomedon, v. 3316, cité par Stimming, o. c. p. 222). Toutefois la forme « par » étant isolée dans le ms. A, et l’exemple de Stimming se rapportant à « part » L. partem, nous rétablissons le t.
  2. * Le ms. A donne ordinairement « briefment », mais « briément » se trouve f° 33 a.
  1. « Si en dist tout... peut estre. » Platon, Gorgias. Boèce, cité par Albert le Grand : Sum. Theol. VII. 30 (vide Introd. p. 34).