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fors que bien, il li tousist aucune chose de son pooir. Car il ne peüst faire mal quant[1] il li pleüst. Car ainsint[2], vousist ou non, feïst il touz jourz bien sanz raison. Car ce ne fust mie par lui qu’il feïst le bien, mais par autre qui [Fo 8 d] l’en eüst a force entalenté et donnée la voulenté[3]. Et cil par cui il le feïst en desservist le guerredon, non pas lui. Car petit dessert qui par force d’autrui fait servise[a]. Qui me merroit[4] demain en prison pour bien faire maugré moi, je ne le tendroie mie a sage ; car il me feroit desraison.

Et nostre sires eüst bien fait, se il vousist, houme tel qu’il ne peüst[5] mal faire. Mais il ne desservist ja tel[6] biens comme il fait orendroit [Fo 9 a] en nul tens[7] du monde. Et pour ce fist nostre seigneur tels genz[8] qu’il peüssent plus de bien avoir. Ja autrement n’en eüssent tant.

Se Diex a fait les anges tels qu’il[9] ne pueent pechier mortelment ne mal faire, ja si grant don ne si haut[10] ne desserviront comme les houmes[11][b].

Mais qui bien voudroit desservir, il devroit servir voulentiers[12] de cuer entier et par trés grant amour celui qui tel le fist pour plus haut honnor[13] conquerre.

[Fo 9 b] Si voult Diex que li hons fust tels que il peüst par droit desservir [14] autant de bien, endroit soi, comme il meïsmes en avoit. Et li donna sens et raison d’avoir entention vers lui. Car par droit servir le devroit. Si est moult fols[15] qui ne se porvoit[16] de bien faire tant comme il vit. Car tous[17] li biens que chascuns fera sera[18] sien. Et si avra por[19] ·i· bien ·c· biens, et por[20] ·i· mal ·c· mals.

Car moult est fols celui qui cuide faire a [Fo 9 c] Dieu bonté de son bien de nulle riens qui soit, quant il le fait et quant il se tient de mal faire, fors que tant que Diex l’en tient[21] plus chier et miex l’en aime[22]. Car se touz li mondes se perdoit, ja pour ce Diex n’en vaudroit pis, ne nus[23] des biens qui sont[24] en son pooir[c].

Se tuit li saint qui ont esté au monde, et qui jamais i seront, n’eüssent onques fait nul bien et dampné se fussent trestuit, ja por[25] ce Diex mains de de-[Fo 9 d]duit n’en eüst ne pis n’en vausist, ne riens nule qui feust en[26] paradis.

  1. — B : tant qu’il.
  2. — B : ainsinc.
  3. — B : volenté.
  4. — B : metroit.
  5. — B : fait homme tel se il vousist qui ne peüst.
  6. — B : tels.
  7. — B : temps.
  8. — B : les genz.
  9. — B : qui.
  10. — B : « ne si haut » manque.
  11. — B : hommes.
  12. — B : volentiers.
  13. — B : honneur.
  14. — A : asservir.
  15. — A : flos.
  16. — B : pourvoit.
  17. — B : touz.
  18. — B : sera manque.
  19. — B : et si ara pour.
  20. — B : pour.
  21. — B : le tient.
  22. — B : aimme.
  23. — B : nul.
  24. — B : soit.
  25. — B : pour.
  26. — B : fust em.
  1. « Damlediex... servise. » Sydrach Ad. 208. S 115, 201. Saint Augustin. De Libero Arbitrio (Patrol. t. 32 col. 1221) ii-1. Voir Introduction p. 32.
  2. « Se Diex... houmes. » Sydrach Ad. 40.
  3. « Car moult... pooir. » Sydrach Ad. 453.