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Naples, la Catalogne, la Galicie, la Navarre et le Portugal. Il nous semble donc nécessaire d’expliquer autrement que par une simple faute de copiste cette nomenclature étrange et qu’il faille en chercher la raison dans les connaissances géographiques même du moyen âge.

Quelques anciens faisaient de l’Afrique une simple province de l’Europe, comme le prouvent les citations suivantes :

Varron[1] (116-26 av. J.-C.) : « Ut omnis natura in cœlum et terram divisa est, sic cœlum in regiones, terra in Asiam et Europam. »

Salluste[2] (87-34 av. J.-C.) : « In divisione orbis terræ plerique partem tertiam Africam posuere : pauci tantummodo Asiam et Europam esse, sed Africam in Europa. »

Orose[3] (Ve siècle) : « ....quamvis aliqui duas (partes), hoc est Asiam, ac deinde Africam in Europam accipiendam putarint. »

Gervaise de Tilbury[4] (XIIIe siècle): « ....sed potius in Europa deputantes Africam, hoc est secundæ partis portionem appellare maluerunt. »

Ranulph Higden[5] (XIVe siècle) : « Idcirco qui res humanas evidentius agnoverunt duas tantum orbis partes accipiendas censuerunt, scilicet Asiam solummodo et Europam ; Africam vero censuerunt Europæ finibus deputandam... »

Ces extraits suffisent pour montrer qu’une opinion assez répandue a guidé Gossouin. D’une manière un peu arbitraire, il a fixé la limite, évidemment très vague, entre l’Europe et l’Afrique, attribuant à cette dernière le littoral entier de la Méditerranée. Ainsi la Carinthie, la Thessalie, l’Epire, « une partie de Constantinople », sont en Europe. Mais l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Palestine sont en Afrique.

Le fait que pas un seul des copistes n’ait songé à transférer cette énumération au chapitre sur l’Europe, que certains d’entre eux y ajoutent même d’autres noms, semble prouver qu’il s’agit là d’un fait admis à l’époque et d’un exemple curieux des connaissances géographiques au moyen âge. D’après cela, nous comprenons pourquoi notre auteur indique le Grand Saint Bernard comme limite sud de l’Europe.

Fo 68 D. — Le paragraphe suivant, sur Naxos, nous fournit un exemple remarquable de la négligence des scribes. Le nom paraît dans les manuscrits de l’Image du Monde sous les formes Naaron, Varon et Anon.

Dans la description de cette île, Gossouin commet une série d’erreurs. Pour lui, Naxos est le lieu natal de saint Denis qui fut décapité en France.

  1. Varron, De lingua latina, 4.
  2. Salluste, Jugurtha, ch. 17.
  3. Orose, o. c. I, 2. (Migne, Patrologia t. 31, col. 673.)
  4. Gervaise de Tilbury, Otia Imperialia (ed. Leibnitz, Hanovre, 1707. 2 vol.) II, 11.
  5. Ranulph Higden, o. c. I, 7 (ed. Babington, vol. I, p. 50).