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Ch. VII. — Le septième chapitre contient une description détaillée des sept arts, basée en grande partie sur Neckam. Gossouin explique pourquoi la médecine n’en fait pas partie : elle s’occupe du corps, et seules les sciences qui s’occupent de l’âme méritent le nom d’arts libéraux.


Ch. VIII. — Selon Legrand d’Aussy[1], qui a fait une courte analyse du texte de notre encyclopédie, l’auteur, dans le chapitre huit, attribue à la nature un pouvoir égal à celui de Dieu, et, comme d’autres critiques d’ailleurs, il s’étonne que l’Image du Monde n’ait pas été supprimée. Car, au moyen âge, une œuvre entachée d’hérésie n’aurait pu devenir si populaire sans attirer sur elle les foudres de l’Église.

Gossouin nous paraît être au contraire absolument conséquent. Il développe la théorie des rapports de Dieu et du monde mentionnée au premier chapitre. Il nous confirme dans l’opinion que nous avons ici un disciple d’Aristote et d’Albert le Grand. Ses idées sont celles de saint Thomas d’Aquin qui écrivait vingt ans plus tard et dont la Somme de Théologie est l’écho des opinions contemporaines.

Dieu créa premièrement la nature. Celle-ci meut les étoiles, les fait luire et fait naître et vivre ce qu’elle veut. Sans la nature rien ne peut naître, et, par elle, tout vit. Elle agit dans la main de Dieu comme la hache du charpentier : la hache ne fait que trancher, et celui qui la tient la guide où il veut.

Cette dernière phrase rend l’idée exacte de Gossouin ; sans elle l’accusation d’hérésie serait soutenable. Elle est d’autant plus intéressante que nous la retrouvons dans saint Thomas d’Aquin : « Deus movet non solum res ad operandum, quasi applicando formas et virtutes rerum ad operationem (sicut etiam artifex applicat securim ad scindendum, qui tamen interdum formam securi non tribuit) etc.[2]. »

Platon, selon notre auteur, dit que la nature est une puissance qui fait naître semblable par semblable. Le seul passage du philosophe grec que l’on puisse mentionner est un proverbe dans Gorgias, ὁμοῖος ὁμοίῳ. Boèce qui est peut-être la source immédiate, écrit, selon Albert le Grand[3] : « Natura est vis insita rebus ex similibus similia procreans[4]. »

Aristote définit la nature comme un principe qui donne aux choses le

  1. Legrand d’Anssy, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Paris, an VII de la République) V, p. 243 s.
  2. Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica (Migne, Patrologia, Series secunda, t. I, col. 1313) Pars prima, quaest. 105, art. V. — Nous ne désirons nullement suggérer que Thomas d’Aquin ait, dans ce passage, copié Gossouin. C’est plutôt, selon nous, un exemple frappant qui était d’usage courant à l’époque.
  3. Albert le Grand, Summa Theologiae, Prima pars. VII. Quæst. 30, 6. (Opera Omnia, vol. 31, p. 307. Paris, 1895.)
  4. V. sur Boèce et ses connaissances du grec p. 29 n. 1.