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estature et un poi[1] courbés le dos par droite nature. Et aloit la teste baissant et regardant devers terre.

Moult fistVirgiles de granz merveilles que les genz tendroient a bourdes se il les ooient raconter. Car il ne porroient penser ne cuider[2] c’uns autres seüst chose faire[3] dont il ne sevent riens. Et quant il oient parler de tels choses ou d’autres qu’il meïsmes voient a leur ieulz, et dont [F° 120 a] il ne sevent riens, tantost dient que c’est[4] par anemi que il œvrent[5] en tele maniere, comme cil qui voulentiers[6] mesdient des genz. Et dient qu’il ne fait pas bon savoir tels choses. Et se il en[7] savoient la maniere, il la tendroient a moult legiere et a droite œvre de nature et sanz autre figure de mal. Mais quant il ne sevent la chose, si en dient avant le mal que le bien.

Qui bien savroit astronomie, il n’est riens qui en cest monde soit [F° 120 b] dont l’en ne seüst enquerre raison ; et maintes choses en feroit l’en qui sambleroient miracles as genz qui riens ne savroient de cele science. Je ne di pas que l’en n’en peüst bien faire mal qui tant en savroit. Car il n’est si bonne science que l’en n’i puisse entendre aucun malice[8][* 1], et que l’en n’i puisse mal ouvrer, se l’en s’en vouloit[9] entremetre. Diex ne fist onques si bonne evangile qu’en[10] ne puisse tourner[11] a bourde. Et n’est nulle [F° 120 c] chose si veraie[12] que l’en n’i puisse gloser tel chose dont l’en se porroit bien dampner, qui se voudroit pener de mal faire. Mais ce n’est pas maistrie que[13] de faire mal.

Li hons se puet bien traire a mal ou a bien[14] se il veult. Car il a le pooir et de l’un et de l’autre. Se il pense a bien, ce li vient de Dieu ; et se il pense a mal, ce le trait a doleur[15] et a painne. Ja li mauvais ne dira bien de ce dont il ne peut riens[16] savoir. Il n’est nulle art qui bon-[F° 120 d]ne ne soit a savoir, se li hons s’i donne. Mais que il ne[17] face chose envers Dieu, dont il perde sa grace.

L’en set tout par astronomie, fors ce que Diex ne veult mie que l’en sache. Si en feroit meillieur[18] aprendre que de cele que l’en aprent pour conquester avoir. Car qui bien la savroit a droit, il avroit ce que il voudroit en terre. Car il ne li faudroit ja nule[19] riens qu’il n’eüst plus de bien enquores. Mais[20] il ont plus chier la monnoie ; et si ne sevent[21] que [F° 121 a] ce est, ne pour quoi ele fu trouvée ; et si i meitent toute leur pensée[22]. Ne il

  1. — B : pou.
  2. — B : cuidier ; cf. note p. 69.
  3. — B : faire chose.
  4. — B : ce est.
  5. — B : qu’il œuvrent.
  6. — B : volentiers.
  7. — B : « en » manque.
  8. — A, B aucun malice.
  9. — B : œvrer se l’en se veult.
  10. — B : euvangile que l’en.
  11. — B : torner.
  12. — B : vraie.
  13. — B : « que » manque.
  14. — B : traire ou a bien ou a mal.
  15. — B : douleur.
  16. — B : puet rien.
  17. — B : adonne. Mais que li hons ne...
  18. — B : meilleur.
  19. — B : nulle.
  20. — B : Mas.
  21. — B : seivent.
  22. — B : metent leur pensée toute.
  1. * « Malice » a les deux genres, cf. Froissart (relevé par Clédat) I. 1. 6. « Et tant fit par son subtil malice ». Sermons de saint Bernard (Paris 1841) p. 543 : « plus dolosevet lo malice... », p. 555 « son malice »,