cieuse : elle est absolument calquée sur la première rédaction en vers. Elle est divisée en trois parties ; elle répète, comme d’ordinaire, à deux reprises, la date 1245 (v. s.). La reproduction du texte rimé est si fidèle que souvent les rimes mêmes sont conservées, et nous n’avons aucune difficulté à reformer les vers.
Cela seul fait de la rédaction en prose un instrument indispensable, à défaut du manuscrit original en vers, pour une reconstitution parfaite du poème.
Une comparaison des passages suivants montrera le peu de différence qu’il y a entre les deux versions, et prouvera de plus, s’il y a jamais eu du doute à cet égard, l’antériorité de la première rédaction en vers. Les rimes que l’on retrouve partout, à chaque page même, de la rédaction en prose nous fournissent une preuve évidemment irréfutable : une simple coïncidence ne saurait expliquer un phénomène pareil.
Manuscrit de la première rédaction.
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Prose, folio 119 D.
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Et fu de petite estature |
Et fu de petite estature et un poi courbés le dos par droite nature. |
Et aloit la teste baissant, |
Et aloit la teste baissant et regardant devers terre. |
....Mais les gens d’ore |
Mès les genz qui orendroit sont pensent plus a leur lasses pances emplir et engressier, qui si tost viennent a pourreture, por leur norreture vilaine qui les livre a painne et a honte. Cil ne faisoient pas ainsi, car il ne queroient menger fors seulement qu’il peüsent alegier leur fain, pour leur cors soutenir et tenir en santé[3]. |
Comme on le voit, le procédé de l’auteur est fort simple : il change à peine les mots, les rimes se retrouvent presque toujours intactes. Mais les inversions disparaissent ; quelques mots ajoutés donnent à la phrase l’apparence voulue de la prose, tout comme dans le temps un emploi judicieux de chevilles servait à bâtir nos vers latins.
Disons-le : l’Image du Monde n’a rien gagné à ce changement, et, quelle que soit la valeur du poème, nous ne réclamons pas une place bien élevée pour ce dernier remaniement, dans la littérature française, même