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la terre croller desouz leur piez. Et crolle si forment[1], et fent aucunes foiz, que maintes citez en sont fondues en terre, qui puis ne furent veües.

Et ce avient par les granz [F° 83 b] yaues qui vont par dedenz la terre ; si que par le deboutement des granz ondes naissent aucun vent es[2] cavernes qui sont souz[3] terre. Et li airs qui se serre dedenz, qui est enclos en grant destroit, se la terre est la endroit foible[4] que ele ne le puisse retenir, si s’uevre et fent la terre pour[5] l’air qui s’efforce a issir hors. Dont il est souvent avenu que viles et citez en sont fondues en abbysme[6].

Et se la terre est de tel force que ele ne fent ne [F° 83 c] ne crolle[7] par le deboutement des venz qui la dedenz[8] sont, si s’esmuet lors la terre[a] si durement que les granz murs et les hautes[9] tours qui sieent la endroit desus, si chieent[10] si soudainnement[11] jus a terre que ele assoume[12] et tue les genz qui dedenz sont, qui ne s’en estoient pas pourveüz, dont li pueples[13] qui demeure la endroit, qui ne sevent[14] pas a quele heure cele tempeste doit venir[* 1].

Li sage qui doutent a mourir[15] s’apare-[F° 83 d]illent contre la mort de querre acordance a Nostre Seigneur de leur pechiez selonc lor[16] loi et la creance que il ont, comme cil qui n’ont espace de vivre la ou il sont sains et haitiez[* 2].

Ainsi fait l’yaue le movement par quoi la terre fent et crolle.

  1. — B : fourment.
  2. — B : aucuns venz as.
  3. — B : soz.
  4. — B : fieble.
  5. — B : por.
  6. — B : abysme.
  7. — B : ne fent ne crolle.
  8. — B : « dedenz » manque.
  9. — B : que les hauz murs et les granz et les hautes.
  10. — B : chient.
  11. — B : soudainement.
  12. — B : assomme.
  13. — B : le pueple.
  14. — B : seivent.
  15. — B : morir.
  16. — B : leur.
  1. * Le sens de la phrase depuis « tue » jusqu’à « venir » paraît être le suivant : « Elle tue les gens qui sont dedans (les tours), comme ils ne s’y attendaient pas et qu’ils ne savent pas à quelle heure cette tempête doit venir. Et avec eux (elle tue) le peuple qui demeure en cet endroit.

    La phrase « dont... endroit » est vraiment une parenthèse, telle qu’il s’en trouve beaucoup dans notre texte. Il ne peut être question d’erreur de copiste ici comme tous les ms. en prose ont la même leçon et qu’elle se retrouve dans les deux rédactions en vers.

    Sloan (1re réd. en vers) f° 83 D :

    que les gens assome et confunt
    qui pas proveü ne se sunt,
    dont li poples qui la demore,
    qui ne sevent pas a quel ore
    cele tempeste doit venir.

    Harley (2e réd. en vers) f° 53 A :

    que les genz assome et confont
    qui pas porveü ne s’en sont,
    dont li pueples qui la demore,
    qui ne sevent pas a quel hore
    cele tempeste doit venir.

  2. * « Li sage... haitiez ». Les sages qui craignent de mourir se préparent à la mort (en se réconciliant avec Dieu) (en cherchant le pardon de Dieu) pour leurs péchés selon leur loi et leur croyance, comme ceux qui n’ont que peu de temps à vivre quand ils sont sains, et bien portants.
  1. « Et ce avient... si s’esmuet lors la terre » Honorius Aug. I, 41, 42. Neckam II, 48. Sydrach Add. 148, S 133. Bède, De nat. rer. 49 (Patrol. t. 90, col. 275). Adélard de Bath Quæst. 50. « Qua de causa terremotus fiat ». Sénèque Quæst. Nat. 3, 6.