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les rédactions à un simple copiste dont l’influence a conduit à contaminer la vraie date, 1247, au ch. 17 du livre III, et sur ce point il cite Fant[1]. Le critique suédois n’exprime cependant aucun doute sur la date, 1245 (v. s.).

Quant au copiste, auteur supposé de l’explicit, c’est gratuitement que Langlois l’accuse d’avoir mal lu son original et d’avoir mis 1245 au lieu de 1247.

D’ailleurs nous nous expliquons mal pourquoi les copistes des manuscrits de la première rédaction seule se seraient laissé influencer par cette date, 1245, au point de l’introduire au ch. 17, tandis que ceux de la seconde rédaction, apparemment plus rétifs, maintiennent 1247 dans le texte, et 1245 à l’explicit[2]

Enfin, selon Langlois (o. c. p. 59), la date si précise du 9 mars (1247), qui se trouve dans Harley 4333 aussi bien que dans les autres manuscrits de la seconde rédaction, ne doit s’appliquer qu’au long fragment de 1740 vers sur les voyages de saint Brandan. Cette conjecture n’enlève pas sa valeur à la date 1247.

En résumé la théorie de Langlois peut paraître séduisante ; mais pour l’admettre il faut 1o nier sans raison sérieuse la date 1245 (v. s.), 2o faire preuve d’incrédulité en repoussant le témoignage de tous les manuscrits de toutes les rédactions, à quelques exceptions près, et 3o refuser d’admettre les calculs mêmes de l’auteur qui confirment la date 1245.

De nos arguments précédents, les conclusions correctes se dégagent, semble-t-il, d’elles-mêmes : 1o L’auteur de l’Image du Monde termine sa première rédaction le six janvier 1245 (v. s.). — 2o Il conçoit l’idée d’une seconde rédaction refondue et considérablement augmentée en 1246 (v. s.). — 3o Il en termine en 1247 (v. s.) une rédaction intermédiaire qui nous est connue par le manuscrit Harley 4333. — 4o Comme résultat de ses voyages en Sicile et en Syrie, il ajoute quelques passages à son ouvrage et produit ainsi la seconde rédaction complète : celle-ci a vu le jour après la composition du manuscrit Harley.

Rédaction en prose. — Comme ouvrage d’éducation l’Image du Monde en vers devait avoir un grand avantage : sa forme même était une aide à la mémoire.

Nous sommes donc étonnés de voir paraître une troisième rédaction,

  1. Fant, o. c. p. 37.
  2. De même, avec une unanimité déconcertante, les scribes de la première rédaction prennent comme base de leurs calculs sur le voyage d’Adam de la terre au firmament (cf. p. 4) l’année 1245, les scribes de la seconde rédaction, 1247. Langlois (o.c. p. 110 n.) pense que, pour ce passage, les manuscrits adaptent simplement leurs calculs au changement fictif de date.

    Nous sommes prêt à croire que l’auteur lui-même a refait ce calcul à deux reprises ; mais il semble bien peu probable que de simples copistes aient fait de même dans le cas de chaque manuscrit.