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Et en cel champ, ou li basmes croist, dient qu’il sourt une fontainne ou nostre dame baingna son fill ; et de cele fontaine[1] est li basmes arrousez [2] ; ne ailleurs n’en peut[3] l’en point porter[4] qui porte fruit ne qui riens vaille[a].

En cele terre a uns autres arbres qui, en lieu de fueilles[5], portent une lainne dont l’en fait [F° 66 d] dras biaus et soutis ; de quoi[6] les genz font cotes et mantiaus dont il se vestent[b]. Si y sont autres arbres qui portent fruit moult souef flairant, qui repont son fruit par nuit en l’arbre, et revient au matin quant li soulaus[7] est levez[c].

Uns autres arbres i croissent[8] dont li charbons[9] qui en sont espris durent en leur cendre ·i· an entier sanz amenuisier ne sanz estaindre[d]. Si y a cedres et ebanus qui ne peuent[10] porrir, si comme l’en dit[e]. [F° 67 a] Autres arbres y a moult glorieus et moult bons, qui portent clos de girofle[11] et noz muguetes[12] et cubebes ; et de leur escorce est la canele, et de leur racines est li garingal et li cytoual et li gyngiembres[13][f]. La croissent les bonnes espices[14] de toutes manieres. Noiz i croissent qui sont ausi grosses comme grosses poumes[15]. Et autres qui sont autresi grosses comme ·i· homme a la teste[g].

Des arbres qui sont en paradis ne savons[16] [F° 67 b] nous quel fruit il ont. Celui dont Eve ot si grant envie que ele en manja[17] outre le commandement de Dieu, y est[18]. Li autres est li arbres de vie dont nous avons parlé ci devant. Tant y a des autres arbres si bons et si delicieus, qu’i[19] samble que Diex soit laienz. Mais il y a si bone[20] garde que uns anges Nostre Seigneur en garde l’entrée, l’espée toute ardant en sa main, que nus ne s’en aille aprochant[21], ne beste, ne homme, ne mal esperit, pour son delit

  1. — B : fontainne.
  2. — B : arousez.
  3. — B : ne puet.
  4. — B : planter.
  5. — A : feueilles.
  6. — B : coi.
  7. — B : soleus.
  8. — A, B, C : croissent ; S : sont ; Sloan : renest ; Harley : recrest ; Arund. : rescroist.
  9. — B : charbon.
  10. — A : peeunt ; B : puent ; C : peuent.
  11. — B : clous de gyrofle.
  12. — B : et noix muscades.
  13. — B : gyngebres.
  14. — A : espifes.
  15. — B : pommes.
  16. — B : savon.
  17. — B : menja.
  18. — A, N, B : « y est » manque ; C : de Dieu, y est.
  19. — B : qu’il.
  20. — B : bonne.
  21. — B : aprouchant.
  1. « Et en cel champ... riens vaille. » Jacques de V. 86.
  2. « En cele terre... il se vestent. » Solin 24. 50 ; Isidore, Etym. IX. 2. 40 ; Jacques de V. 86.
  3. « Si y sont... est levez. » Jacques de V. 86.
  4. « Uns autres... estaindre. »
  5. « Si y a cedres... comme l’en dit. » Isidore, Etym. XVII. 7. 33, 36 ; Jacques de V. 87 ; Neckam II. 83.
  6. « Autres arbres... gyngiembres. » Jacques de V. 86 (Douai, 1597, p. 172) : ...Quarum fructus sunt gariophili, nuces muscatu, cassia fistula, caldamomum, piper album... Sunt aliæ arbores quarum radices sunt zingiber, galanga et zedoaria, quæ vulgariter citouart appellatur ; Neckam, De Laud. VIII.
  7. « Et autres qui... a la teste, » Jacques de V. 87.