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TREIZIÈME SIÈCLE

dence, après leur émission, de refuser de les recevoir, à cause de l’altération même dont il était l’auteur. Personne n’échappait à cette tyrannie fiscale tour à tour violente et tracassière : Philippe ne respecta même pas les priviléges ecclésiastiques. À cette nouvelle, Boniface VIII fulmina sa bulle Clericis laïcos qui défendait, sous peine d’excommunication, à tout laïque, quel que fut son rang, de taxer le clergé, sans l’autorisation du Saint-Siége. La même peine était infligée aux ecclésiastiques de tout grade qui consentiraient à payer des subsides à un pouvoir séculier (1296). Cette bulle s’adressait à la fois au roi d’Angleterre et au monarque français. Philippe répondit à l’injonction pontificale en défendant toute exportation d’argent, d’or, de vivres, d’armes, de chevaux, de munitions, etc., sans la permission royale. Cet édit avait pour but d’intercepter les revenus que la Cour romaine tirait de France. Le pape et le roi échangèrent quelques plaintes et quelques regrets (Bulle lneffabilis amoris), où la douceur du langage tempérait la vivacité des récriminations. Puis, les deux adversaires se prêtèrent à un simulacre de réconciliation, et Boniface VIII accorda la canonisation de saint Louis. La lutte n’était que différée : la grande querelle du sacerdoce et de l’empire, épuisée entre l’Italie et l’Allemagne, venait de renaître entre le roi de France et la papauté.

Benoît Gaëtani, élevé à la chaire apostolique sous le nom de Boniface VIII, avait été nommé cardinal par Martin IV, après avoir appartenu au chapitre métropolitain de Paris et à celui de Lyon. Il était Catalan d’origine et s’était acquis très-jeune une réputation de science canonique qui lui valut d’être envoyé comme légat en France. De retour à Rome, vers 1293, il prit un tel ascendant sur le pieux Célestin V qu’il le détermina à abdiquer, et se fit élire à sa place. Dès qu’il fut investi du pouvoir, il se hâta d’enfermer son naïf prédécesseur dans un cachot. Célestin ne tarda pas à y mourir. Absolu et opiniâtre, Boniface adopta complétement les idées de Grégoire VII, et manifesta l’intention formelle de soumettre toutes les couronnes à la tiare.