Raymond Roger, vicomte de Béziers, l’un et l’autre relevant de la couronne d’Aragon, s’étaient montrés tolérants envers les sectateurs de ces subtiles doctrines, et, sans rompre avec la cour de Rome, avaient favorisé les Albigeois. Innocent III, craignant pour la catholicité la contagion de l’hérésie, redoutant pour l’unité chrétienne une séparation qui semblait imminente, résolut d’arrêter les progrès du mal. Il envoya dans les pays de la langue d’oc, deux commissaires apostoliques, munis de pleins pouvoirs, le frère Raynier et le frère Guy, religieux de Citeaux, auxquels s’adjoignit le célèbre Dominique, promoteur de l’inquisition. Il leur associa bientôt son légat Pierre de Castelnau, archidiacre de Maguelonne, porteur de l’anathème pontifical et chargé de livrer les biens des sectaires à ceux qui combattraient pour l’orthodoxie.
Raymond de Toulouse ayant refusé de seconder les envoyés du Saint-Siége, Pierre de Castelnau l’excommunia, le voua aux flammes éternelles, excita ses vassaux à la révolte et le brava publiquement, l’accusant de parjure, de lâcheté, de tyrannie et de sacrilège. Devant l’indifférence moqueuse et les dédains du peuple de Toulouse, les légats se retirèrent, pleins de menaces ; un gentilhomme inconnu les suivit pour venger son suzerain outragé et tua Pierre de Castelnau au passage du Rhône (1208).
Innocent III, imputant le crime au comte de Toulouse, le condamna, lui et les siens, ses vassaux et ses sujets, et invita tous les barons de la chrétienté à exécuter la sentence. « Sus donc, soldats du Christ ! s’écria le pontife, exterminez ces empestés provençaux, race perverse et abominable. Que l’universel gémissement de l’Église vous émeuve. Que les hérétiques disparaissent jusqu’au dernier et que des colonies de catholiques prennent la place de ces mécréants, pires que des Sarrasins ! »
Le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Genève, d’Auxerre ; les archevêques de Reims, de Sens, de Rouen ; une multitude d’évêques, de chevaliers, de