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DOUZIÈME SIÈCLE

choses, sauf dans celles où l’honneur de Dieu ou de l’Église serait engagé.

Pendant la guerre de 1170 avec le roi de France, et pour conjurer le danger d’une interdiction, Henry se décida à quelques concessions ; Becket, de son côté, promit d’honorer et de servir le monarque, autant qu’un archevêque pourrait le faire. De retour à Canterbury, le prélat choisit le jour de Noël pour prononcer, en pleine cathédrale, des sentences d’excommunication contre trois évêques, partisans de la couronne, Ranulf de Broc, Nigel de Sackville et Robert de Broc. Le roi, instruit en Normandie de cette bravade, ne put maîtriser un transport de fureur : « Comment, s’écria-t-il, ce misérable qui a mangé mon pain, un mendiant venu à ma cour sur un cheval boiteux, ose m’insulter ainsi ! Eh quoi ! aucun de ceux que je nourris à ma table ne me délivrera de ce prêtre insolent ? »

Quatre gentilshommes de sa suite, prenant à la lettre ces imprécations, se hâtèrent de passer le détroit et se rendirent à Canterbury. Ils se glissèrent dans la cathédrale, pendant l’office, et égorgèrent le primat au pied de l’autel (29 décembre 1170).

À la nouvelle de ce meurtre, une vive indignation se répandit dans les classes inférieures qui firent de Thomas Becket un martyr et un saint. À l’étranger, la réprobation ne fut pas moindre contre le roi d’Angleterre. Les seigneurs et les prélats de France supplièrent le Pape de tirer le glaive de saint Pierre, afin d’infliger un châtiment exemplaire « à cet horrible persécuteur de Dieu, qui surpassait Néron en cruauté, Julien en perfidie et Judas en trahison. »

Henry II témoigna le plus profond chagrin de cet assassinat et envoya à Rome une brillante ambassade pour apaiser le Saint-Siége. Sa pénitence canonique, sa soumission absolue aux réparations exigées par l’Église et l’abolition des statuts de Clarendon lui valurent l’indulgence de la Cour apostolique, et ce fut sous le patronage d’Alexandre III qu’il entreprit à cette époque la conquête de l’Irlande (1171).