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ONZIÈME SIÈCLE

cloître, le moine ne consentit jamais à se laisser convaincre, ni par les réfutations de l’évêque de Mayence, Raban Maur, ni par celles du célèbre Jean Scott Érigène.

Au lendemain de l’an 1000, le monde s’éveillant de nouveau, l’âme humaine secoue un peu sa léthargie. On se remet à labourer et à construire. De Rome, Sylvestre II essaie de dissiper la torpeur des intelligences. Instruit pour son temps, ayant étudié chez les musulmans d’Espagne, il introduit l’usage du chiffre arabe, réunit une bibliothèque, imagine l’horloge à balancier et passe pour magicien. La trêve de Dieu apporte aux populations effarées quelques heures de paix, et le mouvement des idées se poursuit dans le tumulte féodal. Plus de quatre mille auditeurs se pressent aux leçons de Lanfranc et de saint Anselme qui se succèdent de l’abbaye du Bec à l’archevêché de Canterbury. On ne se borne plus, au fond des monastères, à copier les rares manuscrits de l’antiquité ; on s’inquiète des événements et on écrit des chroniques. Le moine Richer compose une histoire du Xe siècle, Guillaume travaille à celle des Northmans, et l’évêque Abbon chante en vers grossiers le siége de Paris. L’Église est à peine débarrassée des doctrines eucharistiques de Béranger de Tours, que Jehan Roscelin publie en 1092 sa Dissertation sur la Trinité et prépare, avec Guillaume de Champeaux, l’avènement de la philosophie scolastique, dans la grande querelle des réalistes et des nominalistes. Tels étaient les progrès accomplis dans la société féodale, à la fin du XIe siècle.

Mais tandis que les peuples chrétiens tentaient péniblement de se débarrasser des langes de la Barbarie, la civilisation matérielle, littéraire et scientifique des Arabes avait atteint son apogée, des bords du Tage à ceux de l’Indus. Ils commentaient déjà, à Bagdad, du temps de Karl le-Grand, les livres d’Aristote, d’Hippocrate, de Galien, d’Euclide, d’Archimède, de Ptolémée, dont les noms nous avaient été transmis par eux, avant la découverte des originaux grecs. Ils étaient savants