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HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE

socier son fils Louis au trône et, dès lors, il ne régna plus que de nom. Il ne cessait de négocier pour obtenir sa réconciliation avec le Saint-Siége. Malgré ses efforts et ses prières, l’anathème fut maintenu contre lui au concile de Poitiers.

L’Église avait le droit de se montrer sévère : une importante révolution s’était accomplie depuis un quart de siècle dans son gouvernement comme dans sa discipline. À la mort du pape Alexandre II, l’archidiacre Hildebrand avait enfin pris possession de la chaire de saint Pierre (1073), sous le nom de Grégoire VII. Pendant plus de vingt ans, il avait été l’âme du Sacré-Collége, le chef de toutes les légations importantes, l’instigateur de tous les décrets pontificaux. La lutte sourde qu’il avait poursuivie avec une opiniâtre persévérance, de 1049 à 1073, contre le mariage des prêtres, la simonie et l’investiture laïque, il allait la continuer avec éclat du haut de la chaire de saint Pierre. Caractère énergique, conviction profonde, vertu sans tache, doué du génie qui conçoit les vastes desseins et de la force d’âme qui permet de braver l’adversité, Grégoire VII avait toutes les qualités qui frappent l’imagination des hommes. Constituer un clergé plus pur, plus uni, plus indépendant du monde et plus dépendant de Rome, imposer l’omnipotence du Saint-Siége à l’Église et l’autorité temporelle du Saint-Siége à la chrétienté, arracher le Saint-Sépulcre aux Musulmans, tel fut son but. Il est mort à la tâche, il a succombé sans avoir vu la fin de la lutte terrible qu’il avait provoquée, mais son œuvre n’a pas été inutile ; l’Église régénérée lui dut plusieurs siècles de suprématie ; l’Europe tout entière réalisa la pensée des croisades qu’il avait conçue, et l’histoire, tout en reconnaissant qu’il a dépassé les limites de sa juridiction, tout en réprouvant sa dangereuse utopie de gouvernement théocratique, doit le saluer comme un des plus grands papes du Moyen-Âge.

Depuis que le clergé, pour défendre ses biens, était entré dans la hiérarchie féodale, il était devenu le complice des exactions des princes et des grands vassaux. Les