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ONZIÈME SIÈCLE

Dooms-day-book, le livre du jugement dernier, parce qu’il consacrait leur expropriation irrévocable. Dans ce livre furent enregistrées toutes les terres du royaume, leur étendue dans chaque district, les noms de leurs propriétaires, leur valeur, leurs redevances avant et après l’invasion. Un corps féodal, composé de six cents barons et de soixante mille chevaliers, s’établit sur ce territoire ainsi cadastré, ayant à sa tête le roi, auquel étaient directement liés les moindres vassaux par la condition de l’immédiateté. Non content de s’être adjugé pour sa part quatorze cent vingt-deux manoirs et les villes principales du royaume, Guillaume profita des révisions que comportait ce recensement pour déposséder ses propres lieutenants des biens qu’il convoitait. « Il était fort avare et d’une ardente rapacité, dit un chroniqueur de cette époque, donnant ses terres au plus haut prix et rompant le contrat convenu, lorsqu’un plus fort enchérisseur venait plus tard se présenter. Il se souciait peu de la manière criminelle dont ses baillis volaient l’argent des malheureux. Dans la crainte d’être frustré du moindre produit de ses chasses, il promulgua des lots qui condamnaient à perdre la vue quiconque tuerait un cerf ou une biche, un sanglier ou un lièvre. Il aimait les bêtes sauvages comme s’il eût été leur père. Suivre en tout sa volonté était la règle de ceux qui voulaient vivre. » Orderic Vital affirme que les revenus de ce prince s’élevaient au chiffre fabuleux de trente millions par jour.

Guillaume tenta même d’abolir la langue anglo-saxonne. Il obligea toutes les écoles à enseigner le franco-normand qui fut seul employé dans les actes publics et qui resta, jusqu’à Edward III, la langue de la cour et des tribunaux.

La puissance que la conquête de l’Angleterre donna à Guillaume-le-Bâtard avait inspiré à son suzerain, Philippe de France, la plus violente jalousie. Sans oser recourir directement à la voie des armes, Philippe avait saisi toutes les occasions de rendre les plus mauvais offices à son redoutable vassal. Ce dernier, ayant indis-