bénéfices précaire, dépendante, tout au plus viagère, les possesseurs de bénéfices employaient tous les moyens pour les convertir en alleux. Quelques-uns imaginaient de les donner à des tiers pour les racheter ensuite eux-mêmes sous le nom d’alleux. Bref, dans l’espace de soixante ans, les bénéfices acquirent la stabilité des alleux. Le régime féodal prenait peu à peu possession de la propriété.
Karl-le-Grand fit les plus grands efforts pour entraver la hiérarchie féodale qui se constituait. S’il ne retira point aux seigneurs la juridiction qu’ils exerçaient dans leurs terres, il étendit sa surveillance sur tous les dépositaires du pouvoir par l’institution des Missi Dominici ou envoyés royaux dont les attributions principales consistaient à examiner les actes de toutes les magistratures, en les soumettant au contrôle de la suprématie monarchique. Les Missi Dominici, en cas d’excès de pouvoir, imputables aux comtes, aux évêques ou autres officiers publics, réformaient les prévarications juridiques, sous réserve de l’appel au prince, qui était pour tous un droit et parfois un devoir. Pour hâter la liquidation des procès, le nombre des plaids locaux (Placita) fut fixé à trois par an. Afin d’empêcher que les juges ne manquassent à ces tribunaux, on institua les Scabini ou échevins, dont sept au moins, nommés par les hommes libres de chaque circonscription, étaient tenus de se rendre aux plaids, sur la convocation du comte ou du centenier. Les recours à la justice souveraine étaient déférés à l’une des trois cours supérieures. Les affaires d’importance secondaire étaient jugées par la cour Palatine, que présidait le Comte du Palais, dont le subordonné immédiat était le Chancelier, appelé un jour à prendre sa place. Le roi, siégeant en son conseil, prononçait sur les réclamations d’un plus haut intérêt ; s’il croyait devoir en référer à la nation, il renvoyait lui-même la cause devant l’Assemblée générale, constituée en cour suprême, qui seule avait le privilége de juger les ducs, les comtes, les grands officiers, et même les souverains tributaires.