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humain, il est naturel et rationnel de supposer que le christianisme, pour la redresser, devra la heurter parfois. C’est un cercle, avons-nous dit. Mais en fait, voici ce qui nous paraît : Quand nous, aurons prouvé et montré que la foi au christianisme peut se justifier et se soutenir par d’aussi bonnes raisons rationnelles que n’importe quelle autre croyance ; que la croyance aux faits dits surnaturels, loin d’impliquer le sacrifice de la raison naturelle, fortifie et redresse cette raison et devient ainsi plus rationnelle que la croyance aux faits naturels ; que, pour entrer dans les détails, rationnellement on peut tout aussi bien croire à un Dieu incarné qu’à un Dieu éternellement enfermé dans son éternelle majesté, ou qu’au vide du néant, à la création qu’à l’évolution, à la résurrection qu’à la mort, à la vie éternelle, qu’à l’anéantissement éternel, à Jésus-Christ qu’à Auguste Comte ; qu’on peut, en un mot, être croyant et être doué comme Pascal et tant d’autres, de puissantes facultés intellectuelles, d’une saine et droite raison, et cela sans inconséquence, tout naturellement et logiquement ; quand nous aurons procuré tout cela, notre tache d’apologiste touchera à sa fin.

Nous nous trouverons dès lors en présence de prédispositions de l’ordre moral, prédispositions favorables ou contraires, et sur ce nouveau terrain, nous pourrons espérer de remporter de très grands avantages. Que pouvons-nous demander de plus ? Nous laisserions-nous encore hanter par le vain rêve de faire du christianisme une démonstration logique ? le plus sûr est bien encore de rétablir dans l’apologie l’ordre voulu de Dieu, qui, selon que le dit Pascal, « a voulu que ces vérités entrent du cœur dans l’esprit et non de l’esprit dans le cœur[1]. »

  1. De l’Esprit géométrique. — Havet II, p. 297.