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Qu’on le reconnaisse donc : si Dieu, cause première, ne peut pas descendre la chaîne des causes secondes pour se révéler à l’homme, l’homme pourra bien moins encore remonter cette chaîne pour s’élever à Dieu. Et alors, voici quelle est la conséquence logique de cette impossibilité : les notions de l’infini et de la divinité, que nous portons en nous, ne peuvent nous venir que du monde sensible dans la sphère duquel nous sommes fatalement enfermés, et nous retombons en plein dans le panthéisme ou dans l’athéisme.

Nous enfermons ainsi le déisme dans un dilemme d’où les subtilités de ses adeptes ne réussiront jamais à le dégager : ou bien qu’il convienne que l’esprit humain ne peut pas s’élever jusqu’à la notion d’une cause première, éternelle, jusqu’à la notion de Dieu, et qu’il tombe ainsi dans le positivisme ; ou bien qu’il reconnaisse comme conséquence nécessaire de sa conception de Dieu, non pas peut-être la réalité historique, mais du moins la possibilité philosophique de la révélation et du surnaturel, et qu’au lieu de repousser, par une dédaigneuse fin de non-recevoir, les prétentions du christianisme, il consente à peser les titres que le christianisme lui propose. C’est là que nous l’attendons.

L’histoire des évolutions de la pensée philosophique montre combien la position du déisme est peu sûre et peu stable. C’est bien de lui en vérité que Pascal eût pu dire qu’il est une pointe subtile sur laquelle l’esprit de l’homme a beaucoup de peine à se maintenir. Il a toujours versé sur l’une ou l’autre pente, le plus souvent du côté du positivisme, ou plutôt du panthéisme, irrésistiblement entraîné par une logique inflexible. L’histoire de l’école cartésienne nous en offre un exemple : elle com-