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Le déisme nous semble expier durement aujourd’hui sa vaine présomption d’avoir voulu soutenir seul, par ses seules forces et avec ses seules armes, sans le secours du christianisme, le grand combat de l’esprit contre la matière. Il a perdu beaucoup de terrain et son redoutable adversaire, qui a gagné tout ce qu’il a perdu, occupe aujourd’hui les situations les plus fortes. Le matérialisme, sous le nom nouveau et très présomptueux, très arrogant, dit Guizot, de positivisme, parle aujourd’hui et commande en maître. Auguste Comte est Dieu et Littré est son prophète. Nous nous demandons sérieusement s’il ne convient pas, suivant l’exemple de Pascal, de brûler quelques grains d’encens devant l’autel de ce Dieu nouveau, et si nous ne devons pas convenir que rationnellement son point de vue est soutenable et sa situation très forte. — M. Renan a dit quelque part : « Si l’homme n’avait que l’intelligence, il serait athée. » Pascal a dit à peu près la même chose « Le pyrrhonisme est le vrai. » — Nous n’oserions pas exposer notre apologie à ce jeu dangereux ; il faut être très fort joueur pour le jouer, et tout autre que Pascal pourrait bien y perdre la partie. Que notre apologie ne fasse donc aucune concession de ce genre au positivisme ; qu’elle lui dispute pied à pied le terrain du monde moral et intellectuel ; qu’elle défende contre ce vigoureux champion de la matière les droits sacrés de l’esprit et de la conscience… Mais c’est un peu par acquit de conscience, nous supposons que nous serons battus ; sur le terrain de la philosophie, le positivisme est le vrai, car il est le fort. Nous voilà donc convaincus, rationnellement. Au-dessus, au-delà du monde sensible, il n’y a rien, rien du moins qu’on puisse saisir et par conséquent affirmer ; les notions de causalité, de moralité, de justice, de vérité,